Le cerveau, une priorité de santé publique

Samedi 23 Octobre 2010

LES ECHOS
 
NEUROLOGIE Le Collège de France accueille aujourd'hui un colloque réunissant les meilleurs spécialistes
Le cerveau, une priorité de santé publique
 

Un volume de 1 litre, une surface déployée de 2 mètres carrés, une dizaine de milliards de neurones. Le cerveau humain est un modèle de miniaturisation et d'efficacité, résultat de plusieurs millions d'années d'évolution. C'est l'organe le plus important et le moins bien connu de l'organisme.

Une sorte de boîte noire qui ne vieillit pas toujours très bien et souffre de très nombreux troubles psychiatriques ou neurologiques. « Les maladies mentales représentent près d'un tiers des dépenses de santé en France », précise Etienne Hirsch, directeur de recherche à l'hôpital de la Pitié Salpêtrière à Paris. Malgré les progrès de l'imagerie médicale et de la biologie moléculaire, les neurosciences demeurent une « Terra incognita » où tout ou presque reste à découvrir. « L'ennui, c'est que nous n'avons pas les plans et nous ne connaissons pas les pièces », précise Etienne Hirsch.

Des crédits, et vite...

Aujourd'hui se tient au Collège de France un colloque réunissant les meilleurs spécialistes français de la discipline. Objectif : sensibiliser les décideurs politiques à l'enjeu des neurosciences dans une société vieillissante. Derrière cette ambition se cache une demande très concrète : il nous faut des crédits, et vite. Quelques chiffres résument l'ampleur du problème en termes de santé publique : la France compte environ 3 millions de dépressifs, pas loin d'un million de personnes atteintes d'une maladie de type Alzheimer, 500.000 épileptiques, 120.000 parkinsoniens, 150.000 victimes d'addictions en tout genre et 80.000 scléroses en plaque. Tous les ans, 150.000 accidents vasculaires cérébraux (AVC) 

 40MILLIARDS D'EUROS.

Le poids économique de la santé mentale en France, dont 28 milliards pour les maladies psychiatriques. s'ajoutent à ce bilan et fragilisent ou handicapent à vie de très nombreuses personnes âgées en les rendant dépendantes. « Ce sont des maladies chroniques dont le coût pour la santé publique est faramineux. Il faut investir dans la recherche fondamentale, car cela va devenir un problème de société majeur », plaide Olivier Lyon-Caen, neurologue cofondateur de l'institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM), qui sera inauguré la semaine prochaine. Dans l'Hexagone, le poids économique de la santé mentale est évalué à 40 milliards d'euros, dont 28 milliards pour les maladies psychiatriques comme les dépressions et les troubles de l'anxiété et 12 milliards pour les affections neurologiques dont font partie les maladies neurodégénératives.

Selon Laurent Cohen, professeur à l'université Pierre-et-Marie-Curie, « un Français sur six sera affecté par un déficit cognitif au cours de sa vie ». Dans ce contexte, les experts français militent pour le lancement d'un plan faisant de ce thème une priorité. « Le Japon et les Etats-Unis ont lancé leur décennie du cerveau dans les années 1990 et au début de l'an 2000. L'Europe devrait s'inspirer de ces programmes », ajoute Etienne Hirsch. « La France compte 3.000 chercheurs cliniciens dans les neuro sciences. Nous avons les forces nécessaires, mais nous manquons de moyens », complète André Nieoullon, président de la Société des Neurosciences.

Ces troubles sont la conséquence de démences dégénératives (Alzheimer), d'AVC, de traumalismos crâniens accidentels ou de maladies psychiatriques réduisant considérablement l'autonomie des malades. Une chose est sûre : les thèmes de recherche et les défis fondamentaux ne manquent pas. L'ouvrage collectif publié à l'occasion du colloque, « Priorité cerveau, des découvertes aux traitements » (Odile Jacob) liste les forces et les faiblesses de la communauté hexagonale.

Accélérer la recherche

Parmi les points forts figure l'école française de stimulation profonde du cerveau par des électrodes, initiée  par l'équipe du professeur Mm Louis Benadid à Grenoble et les travaux menés par Patrick Aubourg, spécialiste de la thérapie génique appliqué à des pathologies cérébrales très rares. En revanche, les thérapies cellulaires restent très en retrait par rapport aux pays anglo-saxons. La France souffre d'une législation très contraignante qui, selon deux spécialistes comme Philippe Hantraye et Patrick Aubourg, rend le pays « non compétitif dans le domaine de la thérapie cellulaire basée sur les cellules souches embryonnaires ».

Ces experts estiment également que par manque d'installations capables de fabriquer de candidats médicaments (lots cliniques), il existe un risque « de ne pas voir les essais cliniques se concrétiser en France ». La recherche en psychiatrie reste un autre point faible, malgré l'ampleur des besoins. Selon un récent document du Centre d'analyse stratégique (CAS), la France compterait environ 400.000 schizophrènes, qui représentent environ 1 X des dépenses de santé. Comme en cancérologie, les chercheurs en neurosciences souhaitent mettre en place des structures translationnelles destinées à accélérer le passage de la recherche académique sur des patients. Ils souhaitent enfin lancer un institut de recherche spécialisé dans les sciences cognitives.

Un projet non chiffré qui pour l'instant, et compte tenu des finances du pays, n'est pas d'actualité. 

ALAIN PEREZ UN ORGANE MILLE-FEUILLE

Les mécanismes de communication entre les neurones figurent parmi les grandes énigmes à résoudre dans le monde des neurosciences. Chaque neurone est connecté en moyenne avec 1.000 à 10.000 autres cellules nerveuses, et interagit avec les cellules gliales dont le rôle est mal connu. Ces échanges d'information font appel à des signaux électriques circulant dans les axones et les dendrites ainsi que par des médiateurs chimiques, qui assurent les jonctions entre les cellules (synapses). Une centaine de neurotransmetteurs ont été identifiés à ce jour (glutamate, adrénaline, sérotonine Gaba, dopamine...). Un des autres sujets chauds du moment concerne les cellules souches neurales, qui produisent de petites quantités de neurones neufs au cours de la vie adulte. 

Ces cellules pro génitrices possèdent des capacités de régénération très prometteuses et sont l'objet de nombreux travaux. Mais la plus grande difficulté rencontrée par les chercheurs se situe dans l'intégration des savoirs. Le cerveau est un organe multidimensionnel fonctionnant à des niveaux de complexité différents : molécule, gène, neurone, réseau, qui s’empile les uns sur les autres. Selon André Nieoullon, le décodage de ce « mille-feuille » demandera la collaboration de scientifiques venant d'horizon différents : biologistes, mathématiciens, physiciens, qui devront mettre bout à bout leurs savoirs.

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