Cellules souches : chercheurs et industriels plaident l'enjeu économique
AFP-PARIS, 30 nov.2010
Le projet de bioéthique est sur la table, mais industriels et chercheurs persistent à vouloir infléchir l'encadrement juridique de la recherche sur les cellules souches embryonnaires, mettant en avant les enjeux scientifiques et médicaux, mais aussi économiques.
On est aujourd'hui à "une période charnière de l'industrialisation" de la thérapie cellulaire, a indiqué mardi Didier Hoch, président du Comité Biotech des Entreprises du médicament (Leem, industrie pharmaceutique), lors d'une rencontre avec la presse.
Si la France devait manquer le coche, elle serait durablement exclue de la compétition internationale, craignent les industriels.
Les chercheurs ne veulent sacrifier aucune voie de recherche : cellules souches adultes, embryonnaires ou adultes reprogrammées (iPS).
Or le projet de révision des lois de bioéthique, présenté le 20 octobre en Conseil des ministres, maintient le principe de l'interdiction de la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires, assortie d'un régime d'autorisations à titre dérogatoire.
"Force est de reconnaître que le régime actuel ne nous a pas empêchés de travailler", a admis le Pr Philippe Menasché (Hôpital européen Georges-Pompidou). Son équipe, en collaboration avec Michel Pucéat (Inserm), prépare le premier essai sur l'homme en France d'une thérapie cellulaire de l'insuffisance cardiaque utilisant des cellules souches embryonnaires.
Le premier essai clinique de ce type jamais autorisé a débuté en octobre aux Etats-Unis, chez des personnes paralysées à la suite d'une lésion à la moelle épinière. Un deuxième essai clinique a été autorisé par les autorités américaines la semaine dernière, cette fois pour traiter une maladie héréditaire et irréversible de l'œil.
Pour les chercheurs comme pour les industriels, le problème de la loi française, "extrêmement bizarre", comme la qualifie Marc Peschanski, directeur scientifique d'I-Stem (Evry), c'est qu'elle n'est pas comprise à l'étranger.
"La France est aujourd'hui mal placée" pour recevoir les investissements nécessaires au développement de la recherche à une échelle industrielle, a-t-il souligné. Par exemple, lorsqu'il s'agit d'utiliser les cellules souches embryonnaires pour vérifier la non-toxicité d'un médicament ou d'un cosmétique. "Faire sauter l'interdiction", a-t-il estimé, signifierait pour les industriels" l'autorisation d'investir massivement et au long cours"."Evidemment dans le cadre d'autorisations de l'Agence de la biomédecine que nous ne remettons pas en cause", a-t-il ajouté.
Le cadre juridique français place les industriels sous la menace permanente d'"éventuelles attaques "en justice, a estimé le Pr Peschanski, citant le recours de la Fondation Jérôme Le jeune contre une autorisation de recherche accordée à I-Stem. "Il vaut mieux pour les industriels travailler de l'autre côté de la Manche ou du Quiévrain", a-t-il déploré.
Le Conseil d'Etat s'était prononcé pour "un régime permanent d'autorisation" qui resterait néanmoins "enserré dans des conditions strictes".
La semaine dernière, la ministre de la Recherche Valérie Pécresse a réaffirmé son soutien aux chercheurs, estimant qu'«au stade actuel, on est obligé de continuer la recherche sur les cellules souches embryonnaires » humaines.
Mais elle a également défendu le projet de loi, faisant valoir que "la recherche sur les cellules souches embryonnaires pose des questions éthiques"."Nous avons une position d'équilibre", a-t-elle indiqué.
Le Conseil consultatif national d'éthique(CCNE) doit rendre mercredi un avis sur le sujet.