OUEST France mercredi 01 décembre 2010
Ces chercheurs ont guéri Dakar de sa myopathie
Karl Rouger, Thibaut Larcher et Yan Chérel avec « Dakar » (pelage noir), guéri de la maladie de Duchenne et « Espadon », un chien témoin atteint de la même maladie, qui n'a pas été traité.
« Dès qu'il marche un peu, il est épuisé. »
Les dons du Téléthon servent à financer des équipes nantaises de recherche. Comme celle de Yan Chérel qui parie sur les cellules souches : elles peuvent régénérer des tissus malades.
Les aboiements des chiens résonnent dans les couloirs de ce bâtiment très protégé de l'école vétérinaire de Nantes, situé à la Chantrerie. Ici, la blouse, les surchaussures et le masque sont de rigueur. Dakar sort de son box. Hier matin, la bête n'était pas d'humeur à faire des bonds mais gambadait allègrement. Pourtant, ce golden retriever est né avec la dystrophie musculaire de Duchenne, une maladie dégénérative du muscle. Et sans le traitement expérimental qui lui a été administré, il y a deux ans lorsqu'il avait 2 mois et demi, il serait probablement mort. «La maladie se caractérise par une destruction progressive du tissu musculaire qui compromet la locomotion, mais aussi les fonctions cardiaques et respiratoires », explique Yan Chérel, chercheur de l'Institut national de recherche agronomique.
Transposable à l'échelle humaine
Avec ses compères Karl Rouger et Thibaut Larcher, chercheurs également, il a réussi à guérir le chien (encore en observation aujourd'hui), en pariant sur une thérapie à base de cellules souches provenant du muscle. L'Association française contre les myopathies (AFM) a donné 300 000 € aux scientifiques, soit 30 % du budget total de leurs travaux depuis deux ans. «Sans cette aide, nous n'aurions pu mener à bien ce projet. À l'année, par exemple, un chien, et nous en avons plusieurs, coûte 15 000 € : il demande des soins particuliers.
L'AFM mise beaucoup sur ce programme. À raison. Car la maladie de Duchenne est la plus répandue des myopathies de l'enfant. Exclusivement masculine, elle touche environ 110 bébés par an en France. Ils naissent avec un déficit de dystrophine. Sans cette protéine, les fibres musculaires se dégradent. De graves pertes de mobilité interviennent alors petit à petit. « À 2 ou 3 ans, l'enfant tombe souvent, peine à se relever. Entre 12 et 14 ans, il se retrouve en fauteuil roulant.»
La piste de recherche du trio nantais : la thérapie cellulaire. Dans le muscle d'un chien sain, les experts ont eu l'idée de prélever des cellules souches, rares et recherchées. In vitro, ils les font se multiplier en grand nombre avant de les injecter chez des animaux malades. « Elles apportent la protéine manquante au muscle. Avec cette protéine, on empêche les symptômes d'apparaître. » Ce traitement est efficace chez le chien. Six sont traités à l'école vétérinaire, ils courent parfaitement. « L'étape suivante, c'est le test sur des tissus humains. Dès le début de nos recherches, nous avons mis en place une technique transposable à l'échelle humaine », indique Karl Rouger.
En lien avec le CHU de Nantes, il s'agit maintenant de récupérer des tissus musculaires sains et d'isoler ces précieuses cellules souches. Le centre de référence des maladies rares, à Nantes, prendra par la suite le relais pour organiser les essais cliniques, chez l'enfant, d'ici quelques années.
Les chercheurs se réjouissent déjà. « Les résultats vont au-delà de nos espoirs. Quand Dakar a sauté, on a fait des bonds nous aussi ! »
Magali GRANDET