Rétinoblastome : découverte du premier gène « accélérateur

Samedi 8 Janvier 2011

Rétinoblastome : découverte du premier gène « accélérateur » du développement tumoral

Les enfants porteurs d’une prédisposition génétique au rétinoblastome, la tumeur pédiatrique de l’oeil la plus fréquente, peuvent développer des formes plus ou moins graves de la maladie : elle peut toucher les deux yeux ou un seul, avoir plusieurs foyers dans un même oeil et, dans de rares cas, les enfants ne développent pas de tumeur.
Les généticiens de l’Institut Curie et de l’université Paris Descartes viennent de découvrir un premier gène contribuant à cette variabilité tumorale. Chez les enfants prédisposés au rétinoblastome, l’existence d’un variant génétique de MDM2 – une variation génétique présente dans une partie de la population, mais qui, seule, ne présente pas de risque – agit comme un accélérateur du développement tumoral. Ces résultats sont publiés dans le Journal of the National Cancer Institute de décembre 2010.

Le rétinoblastome survient dans 50 % des cas dans un contexte de prédisposition génétique. L'enfant est porteur d'une anomalie constitutionnelle du gène RB1, c’est-à-dire d’une mutation présente dans toutes ses cellules. Cette anomalie confère alors un risque de développer un rétinoblastome très élevé (90 %).
« Toutefois, les enfants porteurs d’une anomalie constitutionnelle du gène RB1 ne présentent pas tous le même risque » explique Claude Houdayer, maître de conférence à l’université Paris Descartes-Faculté de Pharmacie et généticien dans le service de Génétique oncologique de l’Institut Curie.

La plupart vont développer des tumeurs dans les deux yeux ou plusieurs foyers tumoraux dans un seul oeil, certains enfants auront une tumeur unilatérale et un petit nombre ne développera pas de tumeur du tout. « Nous avons recherché les origines de cette variabilité du risque tumoral » ajoute Laurent Castéra, généticien dans le service de Génétique oncologique de l’Institut Curie.

Ces recherches s’inscrivent dans le cadre du programme incitatif et coopératif1 sur le rétinoblastome qui réunit l’ensemble des spécialistes de cette pathologie à l’Institut Curie : ophtalmologistes, pédiatres, généticiens, chimistes, biologistes…
Le développement d’un rétinoblastome nécessite l’inactivation des deux exemplaires du gène RB1 (chacun de nos gènes est présent en deux exemplaires dans nos cellules). Situé sur le chromosome 13, le gène RB1 est un gène suppresseur de tumeur c’est-à-dire que sa fonction normale est d’empêcher les cellules de se multiplier de façon anarchique. Un seul exemplaire normal du gène suffit à prévenir la formation d’une tumeur. Il faut donc la mutation des deux copies du gène RB1 pour développer un rétinoblastome.

Les généticiens de l’Institut Curie viennent de découvrir qu’un variant du gène, MDM2, accélère l’apparition de la mutation de la deuxième copie du gène RB. En effet, il existe plusieurs variants possibles d’un même gène dans une population. Ce variant génétique de MDM22, présent dans une partie de la population, ne représente pas de risque seul. En revanche chez les enfants porteurs d’une prédisposition génétique du gène RB1, il crée un terrain propice à l’acquisition de la mutation de la deuxième copie du gène RB1.

« L’étude de ce gène dans 170 familles touchées par la forme héréditaire du rétinoblastome (dont 212 porteurs d’une prédisposition génétique) montre que les porteurs du variant de MDM2 présentent un risque significativement plus élevé de développer des tumeurs et donc que les non porteurs ont un risque plus faible d’être atteint » explique Laurent Castéra. MDM2 est le premier gène découvert dans le rétinoblastome capable de modifier le risque chez les porteurs d’une prédisposition.

C’est un premier pas dans la découverte de gènes modificateurs de risque du rétinoblastome. Il en existe très certainement d’autres et les généticiens de l’Institut Curie continuent leur recherche. Pour mieux comprendre la variabilité tumorale, il est en effet nécessaire de connaître l’ensemble des facteurs modificateurs. « C’est seulement une fois que cette variabilité tumorale et les facteurs modificateurs associés seront identifiés que nous pourrons affiner le conseil génétique » précise Claude Houdayer.
Des consultations spécifiques permettent en effet, une fois la mutation RB1 familiale identifiée chez une personne ayant eu un rétinoblastome, de proposer un test individuel aux apparentés (fratrie, cousins) indemnes de la maladie mais potentiellement porteurs de la mutation, donc à risque. Si les enfants testés ne s’avèrent pas porteurs de la mutation identifiée dans la famille, la surveillance ophtalmologique peut être levée.
Pour les enfants porteurs de la mutation, une surveillance ophtalmologique en milieu spécialisé est mise en place pour dépister précocement l’apparition possible de la maladie.
Le variant du gène MDM2 pourrait à terme constituer une cible thérapeutique intéressante, d’autant que des essais précliniques sont en cours avec MDM2 dans des modèles de leucémie.
Impossible encore il y a quelques années en raison des difficultés techniques, l’identification des gènes modificateurs de risque permet à la génétique de franchir une nouvelle étape.

Ces travaux de recherche ont bénéficié du soutien de l’Association Retinostop, association de parents atteints de rétinoblastome.

Le rétinoblastome est une tumeur cancéreuse de l’oeil qui touche les cellules de la rétine. Ce cancer assez rare (1 cas sur 15 000 à 20 000 naissances) affecte le nourrisson et le jeune enfant en général avant l’âge de 5 ans. Cette maladie grave peut atteindre un seul oeil (tumeur unilatérale dans 60 % des cas) ou les deux yeux (tumeurs bilatérales dans 40 % des cas).
L'Institut Curie est le centre référent en France pour la prise en charge du rétinoblastome. Plus de 50 nouveaux patients y sont traités chaque année.

1 Les Programmes incitatifs et coopératifs (PIC) sont des programmes innovants associant médecins et chercheurs qui sont financés sur ressources propres par l’Institut Curie.
2 Remplacement de la thymine par une guanine au niveau du nucléotide 309 du promoteur du gène, d’où son nom MDM2 SNP309G.

Référence
« MDM2 as a Modifier Gene in Retinoblastoma »
Laurent Castéra1, Audrey Sabbagh2,3, Catherine Dehainault1, Dorothée Michaux1, Audrey
Patillon1, Estelle Lamar1, Isabelle Aerts4, Livia Lumbroso-Le Rouic5, Jérôme Couturier1,
Marion Gauthier-Villars1, Claude Houdayer1,7*
1Service de Génétique Oncologique, Institut Curie, Paris, 2 UMR INSERM 745, Faculté de Pharmacie-
3Service de Génétique Moléculaire, Hôpital Beaujon, Clichy, 4Service d’Oncologie Pédiatrique, d’Ophtalmologie, Institut Curie, Paris, 6INSERM U830, Pathologie Moléculaire des Cancers, Pharmacie-Université Paris Descartes, Paris,
Journal of the National Cancer Institute, décembre 2010, 102(23): 1805-1808

En savoir plus sur la génétique du rétinoblastome
Tumeurs non liées à une prédisposition génétique (dites sporadiques)
Une double mutation au niveau du gène RB1, sans aucun antécédent familial, peut faire apparaître une tumeur unique qui ne touchera qu’un seul oeil (unilatérale). Dans ce cas, les deux exemplaires du gène RB sont inactivés dans toutes les cellules tumorales, alors que toutes les autres cellules de l’organisme sont normales. Ceci signifie que, après la naissance, deux événements génétiques distincts, probablement indépendants, ont successivement altéré les deux exemplaires du gène RB1 dans une même cellule qui, de ce fait, s’est engagé dans le processus tumoral.
Sachant que l’inactivation d’un exemplaire d’un gène est un événement peu fréquent, et à plus forte raison des deux exemplaires du même gène, on comprendra que ce type de rétinoblastome soit relativement rare : 1 cas sur 15 000 à 20 000 naissances. 90 % des tumeurs unilatérales entrent dans cette catégorie.

Tumeurs liées à une prédisposition génétique
L'enfant est porteur d'une anomalie constitutionnelle du gène RB1, c’est-à-dire une mutation présente dans toutes ses cellules. Cette anomalie confère une prédisposition génétique au rétinoblastome avec un risque de développer la maladie très élevé (90 %). Elle s'accompagne, dans une moindre mesure, d'une prédisposition à la survenue d'autres tumeurs (sarcomes). L’incidence de cette catégorie est d'environ 1/40 000 naissances.
Dans cette catégorie, les tumeurs sont le plus souvent multiples et bilatérales. Seuls 10% des tumeurs unilatérales isolées sont liées à une prédisposition génétique.
Dans les rétinoblastomes liés à une prédisposition génétique, on distingue les formes familiales (10 à 15 % des rétinoblastomes) et les formes non familiales (héréditaires à partir du sujet lui-même).
Lorsqu'il existe un antécédent connu dans la famille, on parle de forme familiale de rétinoblastome. L’altération, une mutation constitutionnelle du gène RB1 présente chez l’un des parents, est transmise à la descendance dans un cas sur deux. Les enfants qui en héritent ont un risque majeur de développer un rétinoblastome.
De façon paradoxale, les tumeurs liées à une prédisposition génétique sont le plus souvent sans antécédent familial (la mutation du gène RB1 n'est pas préexistante chez l'un des parents). En effet, c’est au moment de la formation des gamètes (ovules ou spermatozoïdes) ou au début du développement de l’embryon que se produit une première mutation d’un exemplaire du gène RB1. Toutes les cellules de l’organisme de l’enfant sont touchées et l’altération devient héréditaire, transmissible à la génération suivante. L’enfant porteur de cette mutation aura un risque sur deux de le transmettre à chacun de ses enfants.
Dans toutes les formes liées à une prédisposition génétique, l’inactivation de la deuxième copie du gène RB1 apparaît au cours des premiers mois de la vie de l’enfant.

Contacts presse :
Institut Curie
Céline Giustranti
service.presse@curie.fr

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