Le méningocoque envoie des « éclaireurs » pour se disséminer

Vendredi 18 Février 2011

Le méningocoque envoie des « éclaireurs » pour se disséminer

Si dans la plupart des cas, la présence localisée du méningocoque dans la gorge est sans aucune conséquence, elle peut accidentellement conduire à une méningite ou un choc sceptique. La gravité de ces deux dernières infections pousse les chercheurs du monde entier à mieux comprendre le mode de fonctionnement de cette bactérie, qui, dès lors qu’elle quitte son lieu de prédilection (la gorge) devient extrêmement dangereuse. L’équipe Avenir dirigée par Guillaume Duménil au sein de l’unité mixte de recherche Inserm 970, Université Paris Descartes « Paris centre de recherche cardiovasculaire » vient d’identifier comment cette bactérie se dissémine et quitte la gorge pour passer dans la circulation sanguine.
Ces travaux sont publiés le 11 février 2011 dans la revue Science


Le méningocoque est une bactérie spécifique à l’homme. Elle est souvent présente à l’état non-pathogène dans la gorge de porteurs sains (5% à 30% de la population).

Cette persistance dans l’organisme peut tout de même s’avérer dangereuse dans certains cas. Le lieu où se multiplient la bactérie, la gorge, représente une porte d’entrée pour qu’elle se dissémine via la circulation sanguine ou qu’elle pénètre dans le cerveau. Dans ces deux derniers cas, l’infection devient alors très grave et provoque un choc septique ou une méningite. Sans une prise en charge très rapide, le taux de mortalité lié à ces deux infections est très important.

Guillaume Duménil et son équipe de recherche à l’Inserm se sont donc intéressés de près à cette bactérie, qui, lorsqu’elle passe dans la circulation sanguine devient dangereuse. « Certaines avancées acquises ces dernières années ont servi de point de départ à ce travail publié dans Science », explique le chercheur. On sait par exemple que les méningocoques sont dotés de structures particulières : les pili. Ils leur permettent à la fois d’adhérer aux cellules de la gorge, de s’y multiplier et de former des agrégats. Nous étudions de près la protéine principale qui compose les pili : la piline » ajoute Guillaume Duménil.

Les chercheurs ont alors découvert que la protéine subissait différentes modifications au cours du temps. Parmi elles, l’une s’est avérée plus intéressante que les autres : l’ajout d’un phosphoglycérol. Ce groupement chimique une fois greffé à la piline donne le signal de  dissémination.

Des bactéries isolées de la colonie partent « en éclaireur »
A partir de ces premiers résultats, les chercheurs ont découvert la présence du gène qui permet le transfert du phosphoglycérol sur la piline : le gène pptB. Ce gène  fonctionne à plein régime seulement lorsque la bactérie est au contact des cellules qui tapissent la paroi de la gorge. « L’emballement » du gène pptB, provoque l’ajout du phosphoglycérol à la piline. Celle-ci perd alors l’une de ses propriétés essentielles : sa capacité à former des agrégats. En conséquence, certaines bactéries se détachent de la colonie et se disséminent peu à peu.  Cette stratégie va être utilisée par la bactérie à la fois pour coloniser d’autres endroits de la gorge et pour traverser les cellules qui  la tapissent. « On pourrait presque comparer ce phénomène à la formation de métastases cancéreuses » souligne Guillaume Duménil.

C’est la première fois que des chercheurs identifient avec autant de précision la cascade d’évènements qui conduit la bactérie dans la circulation sanguine. C’est une première étape. « On sait dorénavant comment le méningocoque passe de la gorge au sang. Nous espérons pouvoir démontrer que ce processus est identique lorsque la bactérie passe du sang au cerveau et déclenche une méningite », conclut Guillaume Duménil.

Par ailleurs, si les chercheurs arrivent à trouver des molécules qui bloquent la dissémination, ils pourraient détenir là un outil à la fois préventif (blocage de la colonisation de la gorge et du passage vers la circulation sanguine) et thérapeutique (limitation de la colonisation des vaisseaux sanguins et de la transmission au cerveau).

Si la stratégie développée par le méningocoque assure sa multiplication dans la gorge et donc sa survie au cours de l’évolution, elle provoque aussi la mort de l’organisme, et donc sa propre mort. Encore une preuve que vivre en bonne intelligence avec son hôte n'est pas si facile.

Ces travaux font l'objet d'une protection par brevet, déposée par Inserm Transfert.
 
Source :
Posttranslational Modification of Pili upon Cell Contact Triggers N. meningitidis Dissemination
Julia Chamot-Rooke,1,2 Guillain Mikaty,3,4 Christian Malosse,1,2 Magali Soyer,4,5Audrey Dumont,4,5 Joseph Gault,1,2 Anne-Flore Imhaus,4,5 Patricia Martin,3,4 Mikael Trellet,6 Guilhem Clary,4,7,8 Philippe Chafey,4,7,8 Luc Camoin,4,7,8 Michael Nilges,6 Xavier Nassif,3,4,9 Guillaume Duménil4,5*
1Ecole Polytechnique, Laboratoire des Mécanismes Réactionnels, Palaiseau F-91128, France. 2CNRS, UMR7651, Palaiseau F-91128, France.
3INSERM, U1002, Paris F-75015, France.
4Université Paris Descartes, Faculté de Médecine Paris Descartes, Paris F-75006, France.
5INSERM, U970, Paris Cardiovascular Research Center, Paris F-75015, France.
6Unité de Bioinformatique Structurale, Unité de Recherche Associée CNRS 2185, Institut Pasteur, Paris F-75015, France.
7Institut Cochin, CNRS (UMR 8104), Paris F-75014, France.
8INSERM, U1016, Paris F-75014, France.
9Assistance Publique Hôpitaux de Paris, Hôpital Necker Enfants Malades, Paris F-75015, France.
Science 11 february 2011, http://dx.doi.org/10.1126/science.1200729

Contact chercheur :
Guillaume Duménil
Equipe Avenir
Unité mixte de recherche Inserm 970, Université Paris Descartes « Paris centre de recherche cardiovasculaire »
Email :
guillaume.duménil@inserm.fr

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