LES CELLULES SOUCHES AMBRYONNAIRES, PIERRE DE ROSETTE DES MALADIES GENETIQUES
Des chercheurs français montrent pour la première fois que des cellules souches embryonnaires humaines permettent de comprendre les mécanismes d’une maladie génétique : la dystrophie myotonique de Steinert. Une étape importante au moment où les parlementaires débattent de la recherche sur ces cellules embryonnaires.
«Nous sommes face à une maladie, la dystrophie myotonique de Steinert, dont le signe caractéristique est le défaut de communication entre le muscle et le nerf. Nous avons pu reproduire ce défaut avec des cellules souches embryonnaires humaines et en trouver la cause». Quatre années de recherches sont ainsi résumées en deux phrase par Cécile Martinat, qui a codirigé ces travaux avec Marc Peschanski à l’Institut des cellules souches pour le traitement et l’étude des maladies mono-géniques (I-Stem/ Inserm).
Ce résultat est important pour les 7.000 à 8.000 personnes atteintes en France de cette maladie neuromusculaire mais aussi pour les chercheurs qui misent depuis plusieurs années sur le potentiel des cellules souches embryonnaires humaines (CSEh) pour déchiffrer les maladies génétiques.
Voir le développement de la maladie
En effet, ces cellules pluripotentes vont ensuite donner naissance à tous les tissus de l’organisme : elles permettent donc en laboratoire d’étudier le développement de la maladie dans différents tissus ou organes. Dans le cas de la dystrophie myotonique de Steinert, qui se caractérise par une lenteur anormale de la décontraction du muscle après une stimulation nerveuse, les patients souffrent aussi de troubles du rythme cardiaque, de problèmes hormonaux, de troubles cognitifs… C’est une maladie aux multiples facettes qui se transmet avec un effet domino : à peine visible chez le grand-père, la maladie se développe plus sérieusement chez le père (ou la mère) et encore plus chez le fils ou la fille s’ils sont atteints.
L’équipe de Cécile Martinat et Marc Peschanski a travaillé à partir de cellules souches embryonnaires prélevées lors d’un diagnostic pré-implantatoire, un examen qui permet aux parents de ne pas transmettre la maladie à l’enfant en la diagnostiquant avant l’implantation de l’embryon.
Identifier la cause de l'anomalie
«Nous voulions comprendre pourquoi, dans le cas de la dystrophie de Steinert, il y a une mauvaise communication entre les neurones moteurs de la moelle épinière et les muscles» explique Cécile Martinat. «Nous avons découvert que les neurones émettent des prolongements anormaux qui ont du mal à établir la communication avec les muscles. Nous avons ensuite cherché la cause de ce défaut». Les chercheurs ont alors identifié que cette anomalie fonctionnelle était due à un défaut d’expression de deux gènes de la famille des SLITRK, famille impliquée dans la mise en place des prolongements des nerfs. «Dans la cellule malade, le gène n’est pas bien exprimé» précise Cécile Martinat.
Une fois identifiés ces défauts fonctionnels, les chercheurs peuvent passer à l’étape suivante : trouver un médicament. «On regarde parmi des dizaines de milliers de molécules celle qui peut corriger l’anomalie». Les cellules souches offrant un stock inépuisable, les chercheurs disposent d’un très grand nombre d’échantillons qui permettent de tester in vitro les molécules candidates.
Régime dérogatoire
Autant de travaux que les scientifiques français espèrent poursuivre sereinement. Pour l’instant la recherche sur les CSEh se fait en France sous un régime d'interdiction avec dérogation. Les autorisations sont délivrées par l’Agence de biomédecine. «Cela fait cinq ans que nous travaillons avec l’Agence de biomédecine et ça se passe très bien, explique Cécile Martinat. Nous souhaiterions continuer dans un régime d’autorisation encadrée et travailler à la fois sur les cellules souches embryonnaires et sur les cellules souches induites». Ces dernières, obtenues pour la première fois en 1997 par l'équipe du Pr Yamanaka au Japon, sont très intéressantes mais une étude récente montre que la reprogrammation qui permet d'obtenir des cellules souches à partir de cellules adultes- provoque des mutations anormales dans ces cellules. Ce qui pourrait brouiller les résultats d'une étude comme celle qui a été menée pour la dystrophie myotonique de Steinert.
La révision de la loi sur la bioéthique est en discussion au Sénat, après un premier vote àl’Assemblée nationale qui a déçu les chercheurs. Les députés ont en effet maintenu l’interdiction des recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines. En commission, les Sénateurs ont eux opté pour un régime d’autorisation encadrée. Nul doute qu’après quatre ans de travail, les chercheurs de l’Inserm espèrent que la preuve qu’ils apportent de l’intérêt du travail sur les cellules souches embryonnaires humaines fera bouger les lignes du côté politique.
Source Cécile Dumas
Sciences et Avenir.fr
01/04/11