LES FRANÇAIS PASSENT-IL TROP SOUVENT AUX RAYONS X
L’Autorité de sûreté nucléaire a souligné l’augmentation importante de l’exposition au rayonnement ionisant des Français via l’imagerie médicale. De quoi raviver un débat ancien sur la place de l'IRM en France.
Etonné... Tel est le sentiment exprimé à la Société française de radiologie (SFR), habituée à travailler en bonne intelligence avec l’Autorité de sûreté nucléaire sur la radioprotection des patients. Les déclarations des représentants de l’ASN devant les députés, mercredi 30 mars, s’inquiétant de l’augmentation rapide des doses de rayonnement ionisants délivrées aux patients via l’imagerie médicale (rayons X), ont donc surpris la SFR.
L’ASN s’inquiète de l’augmentation de la dose annuelle reçue par les patients en France. Les examens de diagnostic aboutissent à une dose moyenne de 1,3 millisievert par an par patient. Ce chiffre n’est pas nouveau : il a été publié en mars 2010 par l’Institut de radioprotection (IRSN) et l’Institut de veille sanitaire (INVS) et établi d’après une enquête menée en 2007. Aux États-Unis la dose moyenne est de 3 mSv, au Royaume-uni de 0,4mSV, en Belgique de 2 mSv. Cette valeur est en augmentation en France de 57% depuis 2002 (0,83 mSv), suite à l’augmentation du nombre d’examens pratiqués.
«Nous avons mis au point un guide du bon usage de l’imagerie en collaboration avec l’ASN et la Haute autorité de Santé», explique Jean-Pierre Pruvo, secrétaire général de la SFR, neuroradiologue à Lille (CHRU Roger Salengro). L’objectif de ce guide est de réduire le recours aux examens utilisant des rayonnements ionisants, afin de protéger le patient. «A chaque fois qu’on le peut, on évite d’avoir recours aux rayons X, en particulier pour les femmes enceintes ou les enfants» souligne Jean-Pierre Pruvo. Chez les enfants, les organes sont plus sensibles aux rayonnements ionisants et leur espérance de vie étant plus longue qu’un adulte, le risque de cancer radio-induit augmente mathématiquement. L’utilisation de la radiographie et des scanners en pédiatrie fait donc l’objet d’études spécifiques afin de réduire au maximum l’exposition des enfants.
20 mSv d’un coup
En expliquant qu’un scanner intégral peut délivrer en une seule fois la dose limite acceptée pour un travailleur du nucléaire en un an –soit 20 mSv-, l’ASN ne se montrait pas rassurante pour le grand public. Cependant connaître exactement la dose délivrée lors d’une radiographie ou d’un scanner n’est pas si simple : cela dépend en partie de l’appareil et de la pratique du radiologue. Le mot-clef : l’optimisation, afin d’avoir la meilleure image possible avec la plus faible dose de rayonnement, en ciblant l’organe concerné. «Depuis une dizaine d’années, avec de nouveaux procédés industriels, nous avons beaucoup réduit les doses» se défend Jean-Pierre Pruvo, récusant la valeur de 20 mSv pour le scanner d’un corps entier : «c’est plutôt 1mSv».
Pas assez d’IRM
En revanche, la Société de radiologie partage le constat mis en avant devant les députés par l’ASN qu’il n’y a pas assez d’IRM en France. «On est fatigué de le dire» lâche Jean-Pierre Pruvo, «cela fait dix ans que plus rien ne bouge du côté politique. On nous dit qu’un IRM ça coûte cher mais combien coûte un patient victime d’un AVC qui n’a pas pu bénéficier d’un IRM et qui doit vivre avec des paralysies? ». En moyenne, on dispose de 8,7 IRM par million d’habitants en France, contre 20 en Allemagne, déplore la SFR (environ 11 au Royaume-Uni, 14 en Italie, 27 en Suisse). «Moi-même je fais la promotion de l’IRM auprès des médecins généralistes, poursuit le neuroradiologue, mais que dire ensuite quand ils m’appellent pour faire pratiquer un examen et que je réponds ‘non’ faute de place? ».
En étant alarmiste sur cette question de la radioprotection médicale, dans le contexte très sensible de la crise nucléaire japonaise, l’ASN contribuera-t-elle au développement du parc d’IRM en France ? A suivre.