Cellules souches embryonnaires : enjeux scientifiques et débat idéologique
PARIS, 26 mai2011(AFP) -
La recherche sur les cellules souches embryonnaires, qui vient tout juste de passer le pas, aux Etats-Unis, des premiers essais thérapeutiques sur l'homme, n'en finit pas de susciter la controverse, son étonnant potentiel butant sur des considérations éthiques.
Le statuquo a ainsi prévalu mercredi soir à l'Assemblée nationale lors de l'examen en 2e lecture du projet de révision de la loi de bioéthique: les députés ont renouvelé leur vote en faveur du maintien du régime actuel d'interdiction de la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires (hES), assorti de dérogations.
Un compromis "absurde" pour les chercheurs, une "position d'équilibre" pour le gouvernement soucieux de ménager la chèvre et le chou: préserver les possibilités d'une recherche, qui, si elle tient ses promesses, ouvre d'immenses perspectives pour la médecine régénérative, tout en prenant en compte les réserves morales ou religieuses.
La recherche suppose en effet la destruction de l'embryon, considérée par certains comme une atteinte à la vie. Les chercheurs rétorquent que, même si l'on considère que l'embryon est une personne, la recherche est bien permise à tous les autres stades de la vie. Ils soulignent qu'elle ne peut se faire que sur des embryons "surnuméraires", conçus dans le cadre d'une fécondation in vitro et qui ne font plus l'objet d'un projet parental.
Le débat porte aussi sur l'intérêt d'une telle recherche: est-elle utile, nécessaire?
Les hES, isolées pour la 1e fois en 1998 par l'équipe de l'Américain James Thompson, ont la capacité de se multiplier sans limite et de devenir n'importe quelle cellule du corps.
Les détracteurs de la recherche soulignent qu'en dépit de l'enthousiasme qu'elles suscitent dans le monde scientifique, les résultats concrets se font attendre.
Le premier essai sur l'homme a cependant démarré l'année dernière aux Etats-Unis: Geron Corporation a commencé a testé une thérapie à partir de cellules souches embryonnaires sur un patient paralysé. Depuis, les autorités américaines ont donné à Advanced Cell Technology leur feu vert pour deux autres essais cliniques concernant des maladies des yeux.
Mais à ce stade, la priorité est encore d'évaluer la sécurité du traitement, plutôt que son efficacité.
En France, c'est l'équipe Philippe Ménasché-Michel Pucéat qui est la plus avancée sur la voie d'un essai clinique, dans le traitement de l'insuffisance cardiaque.
L'équipe de Marc Peschansky et Cécile Martinat, de son côté, a montré récemment un autre intérêt de la recherche sur les hES, faisant "la démonstration scientifique" qu'elles peuvent servir à découvrir des mécanismes inconnus d'une maladie. En l'occurrence la maladie de Steinert, la forme de myopathie la plus fréquente de l'adulte.
Les détracteurs de la recherche sur les hES fondent par ailleurs depuis 2007 de grands espoirs dans les cellules souches pluripotentes induites (iPS), des cellules adultes reprogrammées artificiellement, qui partagent les propriétés des hES et pourraient constituer une alternative éthique.
Mais les chercheurs restent très prudents sur cette possibilité, préférant mener des travaux sur les deux fronts, quitte à terme à donner la préférence à l'une ou à l'autre des pistes, en fonction des applications souhaitées.
Les hES sont "parfaitement physiologiques", a souligné le Pr Peschansky, alors que les iPS sont des "organismes génétiquement modifiés".
Une étude publiée à la mi-mai par la revue scientifiqueNature a quelque peu douché les espoirs mis dans les iPS, montrant que dans certains cas, elles sont rejetées par le système immunitaire.