Un médicament pour prévenir le cancer du sein

Lundi 6 Juin 2011

Un médicament pour prévenir le cancer du sein

 L’utilisation de la chimiothérapie pour prévenir le cancer du sein chez les femmes ménopausées suscite espoirs et polémiques. Elle est débattue au congrès de la société américaine d’oncologie (ASCO) qui se tient à Chicago.

Faut-il prévenir les cancers du sein chez la femme ménopausée grâce à un médicament ? Le sujet vient d’être longuement abordé le week-end dernier au 47e congrès américain du cancer, l’American Society of Clinical Oncology (Asco), le plus important colloque mondial de cancérologie réunissant près de 30.000 cancérologues à Chicago (Illinois, nord) du 3 au 7 juin. Au cœur du débat, les résultats d’un travail international baptisé MAP 3 (Mammary Prevention Trial). Il s’agit d’un essai dit de chimio-prévention, c’est à dire d’une stratégie qui consiste à administrer un médicament à des femmes non malades mais à risque de développer un cancer du sein. 

Baisse du risque de 65%
Le choix des expérimentateurs s’est porté sur l’exemestane (Aromasine, laboratoires Pfizer), une molécule de la famille des anti-aromatases, une classe de médicaments bloquant la production d’œstrogènes et prescrits contre certains cancers mammaires chez les femmes ménopausées. Pendant trois ans, près de 2.500 femmes ont reçu soit cette molécule, soit un placebo. Après cinq ans de prise quotidienne, 11 cas de cancer du sein ont été constatés dans le groupe exemestane contre 32 dans le groupe placebo. Soit une nette diminution, de 65%, du risque de cancer dans le groupe de femmes sous exemestane.

Coordonné par le Dr Paul Goss, cancérologue à l'Université de Harvard (Massachusetts, nord-est), l’essai a été mené auprès de plus de 4.500 femmes américaines, canadiennes, espagnoles et françaises. Mais attention, le profil de ces femmes était particulier. Toutes étaient ménopausées et âgées d’au moins 35 ans. Mais elles étaient aussi plus à risque de développer un cancer du sein que d’autres. Non pas en raison d’une prédisposition génétique et d’une mutation type BRCA1 ou BRCA2, mais parce qu’elles présentaient toutes également au moins un facteur de risque de cancer mammaire. C’est à dire soit simplement un âge élevé (plus de 60 ans), soit un score de cancer dit de Gail élevé, voire même un antécédent personnel de cancer du sein.

Effets secondaires
«C'est le premier essai clinique majeur depuis dix ans portant sur la prévention du risque de cancer du sein et les femmes doivent savoir qu’après 60 ans, un traitement réduisant le risque de cancer existe», a insisté le Dr Paul Goss, principal auteur de cette étude, publiée en ligne samedi sur le site du New England Journal of Medicine, trois semaines avant la version papier. A noter toutefois que «ce concept de chimioprévention qui consisterait à traiter par hormonothérapie par exemple toutes les femmes de plus de 60 ans, ne fait pas encore l’unanimité», détaille le Dr Willy Lescaut, cancérologue au centre hospitalier Princesse Grace à Monaco. Non autorisée en France, cette pratique existe aux Etats Unis mais repose sur l’usage d’autres molécules (tamoxifène, raloxifène) dont l’usage reste d’ailleurs difficile sur le long terme, en raison en particulier du risque de cancer utérin.

Dans le cas présent, la survenue des effets secondaires des antiaromatases tels que la fatigue, les bouffées de chaleur ou surtout des douleurs articulaires, interrogent les spécialistes. Car n’oublions pas qu’il s’agit ici certes de femmes à risque mais chez qui le cancer n’a pas forcément été encore diagnostiqué. De plus, cette prise médicamenteuse peut aussi poser à terme des problèmes cardiovasculaires ou d’ostéoporose.

« Cette étude pose une vraie question, explique le Pr Eric Lartigau, cancérologue à l’hôpital Oscar Lambret ( Lille). A savoir, quel est le risque de la prise d’exemestane pendant 5 ans pour des femmes de plus de 60 ans ? Malheureusement, nous n’avons pas encore la réponse. On sait juste qu’il faut traiter environ 2500 femmes pour éviter moins d’une vingtaine de cancers. Est ce que cela justifie une prise médicamenteuse au long cours pour toutes ?». Autre inconnue, le recul de l’étude n’étant aujourd’hui que de 5 ans : la durée d’une telle chimio-prévention.


Source  Sylvie Riou Milliot à Chicago, au congrès de l’ASCO Sciences et Avenir.fr

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