Un groupe franco-américain de scientifiques définit les conditions nécessaires à la découverte d’un traitement curatif de l’infection à VIH/SIDA dans la décennie à venir |
Ce mois de juin commémore les 30 ans de la description des premiers cas de SIDA. Depuis lors, la maladie a tué plus de 25 millions de personnes dans le monde alors que 33 millions sont chroniquement infectées par le virus qui la cause, le VIH.
Malgré de tels chiffres, la recherche contre le VIH/SIDA a été particulièrement efficace puisqu‘elle a abouti, un peu plus de 10 ans après l’isolement du virus, à la mise au point de traitements antirétroviraux hautement efficaces (ART). Pris de manière quotidienne, ils bloquent la réplication du VIH et empêchent l’évolution vers le SIDA avéré, transformant cette infection en une maladie chronique.
Mais l’épidémie reste active, car avec plus de 7000 nouveaux cas d’infection par jour le VIH garde l’avantage et, pour 2 nouvelles personnes traitées, 5 nouveaux cas d’infection surviennent…
L’accès aux ART reste, de plus, problématique dans les pays à faibles ressources, permettant à seulement un tiers des personnes qui le nécessitent d’être traitées, et n’est pas garanti dans les pays occidentaux pour les malades qui n’ont pas de prise en charge sociale. En fait, les projections des experts montrent que le coût des traitements contre le VIH pourrait globalement s’élever à 50 ou 60 billions de dollars dans 20 ans, ce qui ne pourra pas être supporté par nos systèmes de santé.
Ces traitements bloquent la multiplication du VIH dans le sang, préviennent les complications et augmentent la durée de vie, mais ne guérissent pas de l’infection. Devant être pris à vis, ils s’accompagnent de problèmes d’observance, de résistance, d’effets secondaires et de toxicités cumulées.
Devant l’échec de la recherche d’un vaccin, seule la recherche de traitements curatifs pourra apporter une réponse définitive à la pandémie.
Ces traitements curatifs devront répondre au principal défi posé par le VIH : sa persistance à long terme dans des « réservoirs » malgré le traitement de type ART.
C’est autour de ce thème d’éradication des réservoirs que s’est constitué, dès 2003, un groupe international de travail initié par les Docteur Alain Lafeuillade (Toulon, France) et Mario Stevenson (Miami, USA). Réunissant près de 150 experts internationaux, le groupe se réunira pour la cinquième fois à la fin de l’année pour faire le point des avancées, et des priorités à donner, en termes de guérison du VIH/SIDA.
Dans une « feuille de route » publiée ce mois dans le journal AIDS Reviews (Lafeuillade A, Stevenson M. The Search for a Cure for Persistent HIV Reservoirs. AIDS Rev 13(2): 63-6), ces chercheurs définissent les barrières scientifiques qui s’opposent encore à l’éradication du VIH et les voies thérapeutiques originales qui doivent être explorées.
Fin 2010 a été marqué par la description du premier cas de guérison probable d’une infection à VIH chez un Berlinois ayant reçu une greffe de moelle pour une leucémie. Si ce traitement ne sera certainement pas reproductible à d’autres patients, il a démontré pour la première fois que le VIH pouvait être vaincu. De nouvelles voies thérapeutiques sont désormais ouvertes, soit pour
«purger» définitivement les derniers réservoirs viraux présents chez un patient sous ART, soit pour manipuler par thérapie génique son système immunitaire.
« Nous nous donnons 10 ans pour mettre au point une ‘guérison fonctionnelle’, déclare le Docteur Alain Lafeuillade, et 10 autres pour définitivement éradiquer le VIH ».
La notion de ‘guérison fonctionnelle’ est une situation où l’organisme est capable sans ART de contrôler la multiplication du VIH et sa transmission. Elle survient naturellement chez 0,3% des séropositifs. C’est cet état que les chercheurs espèrent arriver à généraliser dans la décennie à venir.
A propos de la publication
A propos du workshop sur l’éradication du VIH
Contact :
Docteur Alain Lafeuillade
Chef de Service de Maladies Infectieuses, Hôpital Général, Toulon (France) et Professeur Associé de l’Université du Maryland à Baltimore (USA). 1208 Avenue Colonel Picot, F-8300 Toulon
email : alain.lafeuillade@ch-toulon.fr