Les études par diffraction de neutrons des inhibiteurs du VIH

Samedi 31 Aout 2013

Les études par diffraction de neutrons des inhibiteurs du VIH mettent en évidence de nouveaux développements possibles dans la conception de médicaments pour améliorer leur efficacité, lutter contre la résistance et réduire le dosage

Paris, le 27 août 2013 - La première étude des interactions entre un inhibiteur clinique couramment utilisé et l'enzyme protéase VIH‑1 a été réalisée par une équipe internationale composée de membres américains, britanniques et français.ont utilisé les neutrons de l'Institut Laue-Langevin à Grenoble.
Elle donne à la médecine la première véritable image montrant comment un médicament antiviral bloque la réplication du virus et comment ses performances pourraient être améliorées.
Les résultats, publiés dans le
 Journal for Medicinal Chemistry, et les techniques neutroniques utilisées à l'ILL, serviront de base pour la conception d'une nouvelle génération de produits pharmaceutiques plus efficaces pour traiter des problèmes comme la pharmacorésistance.


La protéase VIH-1 est essentielle dans le cycle de vie du VIH. Elle coupe les chaînes polypeptidiques pour créer des protéines intervenant ensuite dans  la réplication et la production de nouvelles particules virales infectieuses. Son rôle essentiel en fait l'une des enzymes les plus étudiées dans le monde. Au cours des 20 dernières années, les scientifiques ont utilisé des rayons X de haute intensité pour étudier la meilleure manière de cibler et de bloquer le rôle de la protéase dans la propagation du virus.

Cependant, cette forme d'analyse a ses limites. Les liaisons les plus fortes entre l'enzyme et un inhibiteur sont en général des liaisons hydrogènes qui reste cependant relativement faibles. Or, les atomes d'hydrogène sont quasi invisibles à l'analyse par rayons X, ce qui laissait jusqu'à présent les scientifiques spéculer sur la nature de cette liaison.
Afin de pallier cette incertitude, les scientifiques de l'Université Purdue dans l'Etat de Géorgie, du Laboratoire National d'Oak Ridge aux Etats-Unis et de Harwell Oxford en Grande-Bretagne ont utilisé les neutrons de l'Institut Laue-Langevin pour analyser cette liaison. Les neutrons sont très sensibles aux éléments légers, ce qui a permis à l'équipe d'identifier pour la première fois la position de chaque atome d'hydrogène du système et de voir lesquels d'entre eux étaient impliqués dans la liaison. L'inhibiteur étudié était l'amprénavir (APV), homologué pour une utilisation clinique dès 1999, et les expériences ont été réalisées sur l'appareil LADI-III (diffractomètre de neutrons utilisant la méthode quasi-Laue) à l'ILL.
« S’il sait où se trouvent les atomes d’hydrogène, le chercheur a ainsi une bien meilleure idée de la nature et de la force des interactions.
En utilisant la cristallographie de neutrons, nous avons effectivement augmenté la résolution de cette image, et les atomes d’hydrogène deviennent visibles. Il est juste de dire qu’en utilisant les neutrons, nous sommes désormais capables de voir chaque atome dans un complexe protéine/médicament, jusqu’au plus petit atome de la nature.
Nous sommes certains qu’en combinant les deux techniques cristallographiques (neutrons et rayons X), il sera possible d’améliorer de manière significative la conception des médicaments basée sur la structure moléculaire, et ainsi procurer aux patients de nouveaux médicaments plus efficaces, non seulement pour lutter contre l’infection du VIH, mais aussi contre d’autres maladies. »
Andrey Kovalevsk du Laboratoire National d’Oak Ridge.
 
Les études aux neutrons ont révélé une image très différente de celle obtenue jusqu'ici par rayons X, qui avaient surestimé l'importance et le nombre de liaisons hydrogènes. En fait, l'équipe n'a trouvé que deux liaisons hydrogènes réellement fortes entre le médicament et l'enzyme du VIH.
Cela pourrait sembler préoccupant, mais ce résultat procure en fait aux concepteurs de médicaments un ensemble d'améliorations potentielles de la chimie de surface du médicament, afin de renforcer significativement les liaisons hydrogène,et d'accroître l'efficacité des médicaments et de réduire les dosages nécessaires.
« Cette étude illustre parfaitement les avantages des neutrons dans la conception de médicaments en raison de leur sensibilité unique aux atomes d’hydrogène.
Jusqu’à récemment, les études par neutrons à haute résolution spatiale de grands systèmes biologiques étaient limitées en raison de la taille des cristaux qu’il fallait faire croitre et du temps nécessaire pour collecter des résultats par diffraction de neutrons. Cependant, des développements techniques importants, obtenus grâce aux travaux novateurs effectués à l’ILL, ont largement étendu la gamme des expériences possibles et ont fourni à l’industrie pharmaceutique un nouvel outil puissant permettant d’améliorer les performances de leurs produits. »
Dr Matthew Blakeley de l’Institut Laue-Langevin.
 
A partir des nouvelles découvertes, l'équipe a proposé un certain nombre de mesures pour parvenir à ces améliorations :
· Remplacer les liaisons faibles par un plus grand nombre de liaisons hydrogènes fortes : maintenant qu'on sait qu'un grand nombre des liaisons sont finalement faibles, et établies par l'intermédiaire l'eau, les concepteurs de médicaments doivent chercher à les remplacer par des liaisons hydrogènes plus fortes. Cela pourrait être obtenu en modifiant certains groupes fonctionnels dans la structure chimique des médicaments afin d'expulser l'eau qui comble actuellement les pores dans la structure de la molécule du médicament.

· Améliorer la résistance des liaisons hydrogènes existantes : par exemple, en réduisant la pKa (capacité ou tendance d'un composé à perdre ses atomes d'hydrogène) de certains groupes chimiques du médicament pour les rendre similaire à ceux de l'enzyme. Les atomes d'hydrogène dans la liaison deviendraient équidistants dans les deux molécules, ce qui renforcerait l'interaction.
 
Les résultats de ce tout récent article pourraient aussi aider à traiter l'un des plus gros problèmes dans la lutte contre l'infection du VIH qui est  la pharmaco-résistance. L'évolution naturelle du virus dans le temps affaiblit la liaison, un processus qui est en fait accéléré par l'utilisation même des médicaments. Le moyen de lutter contre cette évolution serait d'améliorer la liaison de l'inhibiteur avec les atomes de la chaîne principale de la protéase virale qui ne peuvent pas muter, plutôt qu'avec ses chaînes latérales.
Avant cette dernière étude, on pensait que le potentiel de progrès dans ce domaine était limité, car on supposait que les liaisons hydrogènes avec les atomes de la chaîne principale étaient déjà fortes. Il est maintenant démontré que ce n'est pas le cas, ce qui ouvre une nouvelle voie pour le développement de produits pharmaceutiques contre le VIH qui seront beaucoup moins affectés par les mutations et la résistance du virus.
 
A propos de L'Institut Laue-Langevin
A propos de l'ILL : l'Institut Laue-Langevin (ILL) est un centre de recherche international basé à Grenoble. Il est le leader mondial dans le domaine des sciences et des technologies de diffusion des neutrons depuis près de 40 ans, puisque ses premières expériences datent de 1972.
L'ILL exploite l'une des sources de neutrons les plus intenses dans le monde, fournissant des rayons de neutrons à un ensemble de 40 appareils très performants et perfectionnés en permanence. Chaque année, 1 200 chercheurs de plus de 40 pays visitent l'ILL pour y mener des recherches en physique de la matière condensée, chimie (verte), biologie, physique nucléaire et science des matériaux. Le Royaume-Uni, avec la France et l'Allemagne, est membre associé et investit également de manière significative dans l'ILL.
http://www.ill.eu/fr
 

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 AGENCE AUVRAY & ASSOCIÉS
 Berthille LA TORRE  - 97, boulevard Malesherbes - 75008 Paris
 Tél. : 01 58 22 21 14 - Fax : 01 42 93 08 01- b.latorre@auvray-associes.com
 

Source : La Gazette du Laboratoire


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